Archives de l’étiquette : poterie

Le centenaire de la naissance du Mingei

Le centenaire de la naissance du Mingei : La beauté du quotidien tissée à Kyoto

Qu’est-ce que le mingei ? C’est la découverte de la « beauté » dans les objets du quotidien créés par des artisans anonymes, et la reconnaissance d’une nouvelle valeur en eux. Pour désigner ces objets du quotidien qui n’étaient pas destinés à être regardés, le terme « Mingei » (abréviation de Minshuteki kogei, l’artisanat populaire) a été inventé.

L’année 2025 marque le centenaire de la naissance de ce mot. L’exposition, qui s’est tenue du 13 septembre au 7 décembre au musée de Kyocera, était axée sur les débuts du mouvement mingei, né à Kyoto, et sur son expansion.

Le terme « Mingei » (art populaire) est né à la suite de la découverte des sculptures bouddhiques en bois réalisées par Mokujiki (1718-1810), un moine itinérant de la fin de l’époque d’Edo qui a voyagé à travers tout le Japon. Soetsu Yanagi (1889-1961), le fondateur du mouvement mingei, a été fasciné par ces statues sculptées. Il a entrepris alors, avec ses compagnons, des voyages d’étude sur l’œuvre de Mokujiki, ce qui a marqué le point de départ de leur découverte de la culture populaire.

Fondée en 1927 à Kamigamo, Kyoto, l’Association pour la production artisanale populaire servait de centre pour mettre en pratique le mouvement mingei. Inspirés par le modèle des guildes médiévales, ses membres ont produit des œuvres de teinture et de tissage, de menuiserie et de ferronnerie. Des expositions de leurs créations ont également été organisées à Kyoto. Même aujourd’hui, ces œuvres restent fascinantes.

Boîte incrustée de nacre avec motif manji
Boîte incrustée de nacre avec motif manji

Comme exemple d’espace de vie décoré d’objets mingei, on peut citer Mikuni-so. Ce pavillon avait été exposé sous le nom de « Musée Mingei » lors d’une exposition à Tokyo en 1928. Tamesaburo Yamamoto (1893-1966), le premier président d’Asahi Breweries, l’a acheté après et l’a déplacé à Mikuni, Osaka, sur le site de sa résidence. Mikuni-so a servi de salon et de lieu de rencontre pour les acteurs du mouvement mingei dans la région du Kansai. En plus d’articles utilitaires quotidiens collectés dans tout le pays, des œuvres d’artistes associés au mouvement mingei y étaient effectivement utilisées au quotidien. Yamamoto a été un mécène du mouvement mingei, et sa collection constitue aujourd’hui une partie fondamentale de celle du Musée d’Art Asahi Group Oyamazaki, situé en banlieue de Kyoto.

Les objets mingei, que Yanagi et les artistes associés au mouvement mingei ont collectionnés aux marchés aux puces (comme le Kobo-ichi ou le Tenjin-ichi) et dans diverses régions du Japon, étaient également exposés. À travers l’exposition, on constate que des objets mingei ont été collectionnés dans une grande variété de genres.

Otsu-e, Le Démon jouant du Shamisen
Otsu-e, Le Démon jouant du Shamisen

À Kyoto, le mouvement mingei s’est épanoui dès ses débuts. Kanjiro Kawai (1890-1966) a été une figure centrale de ce mouvement, s’impliquant non seulement dans la céramique/poterie, mais aussi dans la conception des espaces de vie, tels que l’architecture et le mobilier. De nombreuses œuvres de Kawai étaient également exposées lors de cette exposition. Si vous vous intéressez à ses œuvres, je vous recommande vivement de visiter le Musée commémoratif de Kanjiro Kawai, situé à Gojozaka. C’est son ancienne résidence, qu’il a conçue lui-même, et on peut y percevoir sa propre esthétique unique.

Tatsuaki Kuroda (1904-1982), artisan laqueur et menuisier né à Gion, Kyoto, a également eu des liens étroits avec les débuts du mouvement mingei. Kyoto comptait de nombreux adhérents au mouvement mingei, dont le célèbre confiseur traditionnel de Gion, Kagizen Yoshifusa. Kuroda a conçu le mobilier et les ustensiles de Kagizen Yoshifusa, incarnant ainsi l’union de l’utilité et de la beauté. La photo ci-dessous montre des récipients incrustés de nacre pour le kuzukiri (un dessert à base de fécule de racine de kudzu, servi froid sous forme de nouilles avec de la mélasse noire), commandés par Kagizen Yoshifusa à Kuroda. Bien que sa décoration en nacre soit magnifique, il possédait également la praticité nécessaire pour servir ce dessert délicat aux clients tout en le maintenant au frais.

Service de kuzukiri en laque incrustée de nacre et Boîte de transport alimentaire
Service de kuzukiri en laque incrustée de nacre et Boîte de transport alimentaire

Kyoto est une ville où l’architecture et les œuvres d’art liées au mouvement mingei se fondent encore naturellement dans le paysage. Capitale millénaire, Kyoto a aussi été une ville de l’artisanat, tissée par de nombreux artisans. Je pense que Kyoto, où la philosophie du mingei était déjà profondément enracinée, a eu la générosité d’évaluer et de développer les œuvres et les activités créatives des artistes influencés par ce mouvement.

Festival de la céramique Kiyomizu-yaki

Qu’est-ce que le Kiyomizu-yaki ?

La céramique Kiyomizu, ou Kiyomizu-yaki, est l’un des artisanats traditionnels les plus emblématiques de Kyoto. Réputée pour la finesse de ses motifs et la délicatesse de ses couleurs, elle offre une grande diversité. Le Kiyomizu-yaki ne se limite à aucun style ou technique spécifique. À Kyoto (ancienne capitale du Japon), où il n’y avait pas assez d’argile à poterie, les potiers ont fait appel à des matériaux provenant de tout le pays. Des maîtres céramistes de renom ont été invités à Kyoto, apportant avec eux leur savoir-faire et leurs techniques. Ils ont ainsi répondu aux commandes d’une clientèle cultivée.

À l’origine, les pièces de Kiyomizu-yaki étaient façonnées aux alentours du célèbre temple Kiyomizu-dera, auquel elles doivent leur nom. Aujourd’hui, la plupart des ateliers de Kiyomizu-yaki sont regroupés au quartier des potiers Kiyomizu-yaki.
Voici les pièces de Kiyomizu-yaki de TOKINOHA Ceramic Studio installé dans ce quartier. Cet atelier crée des pièces à la fois simples et élégantes, parfaitement adaptées à un usage quotidien.

Chaque année, ce quartier de potiers accueille le festival de la céramique Kiyomizu-yaki. Cet événement se déroule le troisième week-end d’octobre. Du traditionnel au contemporain, vous y trouverez une large sélection de céramiques de Kyoto à des prix abordables.

  • Le quartier des potiers Kiyomizu-yaki (Kiyomizu-yaki danchi en japonais) est accessible en taxi en une vingtaine de minutes depuis les gares JR de Kyoto ou de Yamashina. Pendant le festival de la céramique Kiyomizu-yaki, un service de navette directe est mis en place depuis la gare JR de Kyoto.
Narazuhiko-jinja

Une balade insolite dans le quartier de Kitamachi

Quelles images vous viennent à l’esprit lorsque vous pensez à Nara ? Que visiter à Nara ? Le Grand Bouddha du temple Todai-ji, le sanctuaire shinto aux lanternes, le parc aux daims ou le vieux quartier de Naramachi ? Je vous présente dans cet article le quartier de Kitamachi, quartier peu connu mais agréable pour les balades.

Comment se rendre au quartier de Kitamachi

Le quartier de Kitamachi est situé au nord de la gare de Kintetsu-Nara et s’étend au nord-ouest du temple Todai-ji. En tant que porte d’entrée nord de Nara, son ancienne route principale reliant Kyoto à Nara était autrefois bordée d’auberges et de magasins. Il peut être difficile d’imaginer l’atmosphère animée que ce quartier dégageait autrefois, mais quelques vieilles maisons en bois subsistent encore le long de cette route. Pour se rendre au quartier de Kitamachi, si vous êtes au temple Todai-ji, dirigez-vous vers l’ouest de la salle du Bouddha.

À l’ouest et au nord-ouest de la salle du Bouddha, se trouvent plusieurs endroits peu fréquentés par les touristes tels que le pavillon Kaidan-do, le bâtiment du trésor Shoso-in, la porte Tegai-mon, etc.

Kaidan-do

Kaidan-do
La salle d’ordination
Vous pourrez y rencontrer des chefs-d’œuvre créés au VIIIème siècle, les quatres statues en argile de dieux gardiens des points cardinaux appelés shitenno.

Paysage automnal

Étang Daibutsu-ike
Un endroit parfait pour admirer les belles couleurs d’automne

Shoso-in

Shoso-in
Trois bâtiments qui renferment des trésors impériaux du VIIIème siècle
Vous pourrez voir un ancien style de construction japonaise réalisé en croisant et en empilant des rondins de bois de section triangulaire.

Tegai-mon

Tegai-mon
Une des portes d’entrée du temple Todai-ji et un symbole du quartier
C’est le seul vestige évoquant ce qu’était l’architecture d’ensemble du Todai-ji au VIIIème siècle.

Que voir dans le quartier de Kitamachi

Par rapport au quartier de Naramachi, il y a moins de touristes dans ce quartier, où l’histoire côtoie la vie quotidienne des habitants locaux. Il est aussi intéressant d’y explorer le dédale de ruelles.

Jizo soleil couchant
Jizo soleil couchant

On croise souvent des statuettes en pierre de jizo au coin des rues au Japon et ici, vous pourrez également voir une statue de grande taille, le jizo “Soleil couchant”. Il protège des habitants locaux avec son sourire apaisant depuis le XVIème siècle.

Savez-vous qu’il y a une petite ferme d’élevage à deux pas du centre-ville de Nara ? C’est une autre curiosité du quartier. La ferme Uemura fondée en 1884 fait l’élevage d’une trentaine de vaches laitières. L’animal qui nous évoque Nara n’est pas uniquement le daim. Elle est située juste en face du temple Hannya-ji, autrement appelé le temple de cosmos. Dans ce quartier, il y règne une ambiance reposante.

Camphrier géant
Camphrier géant

Poussons ensuite jusqu’au sanctuaire shinto Narazuhiko-jinja situé au nord de la ferme Uemura. Un spot méconnu mais très apprécié des locaux… Ce camphrier vieux de 1300 ans se dresse avec majesté derrière le sanctuaire principal. La zone autour de cet arbre sacré dégage une ambiance mystique et vous aurez l’impression d’être dans le décor d’un film Ghibli. 

Ancienne prison de Nara

Le quartier de Kitamachi est également parsemé de bâtiments de valeur historique et culturelle. L’ancienne prison de Nara est l’une des cinq prisons de style occidental construites au début du XXème siècle. Symbole de la modernisation du Japon qui a ouvert ses portes aux puissances occidentales, elle a été utilisée jusqu’en 2017 dans un but de réinsertion des prisonniers dont la plupart étaient des jeunes dans la vingtaine. Elle sera rénovée en hôtel de luxe par Hoshinoya, un hôtelier japonais. J’attends avec impatience son ouverture prévue pour le printemps 2026.

Actuellement au Japon, de nombreux bâtiments de valeur historique et culturelle risquent d’être démolis en raison de difficultés d’entretien. C’est dommage qu’ils soient vendus l’un après l’autre à des investisseurs étrangers malgré que les Japonais eux-mêmes doivent réfléchir à comment mettre ces patrimoines en valeur.

Université pour femmes de Nara
Université pour femmes de Nara

Un bâtiment de style mi-japonais, mi-occidental… Voici la salle commémorative de l’université pour femmes de Nara, une autre construction du début du XXème siècle. À ce site se trouvait le bureau du magistrat de Nara pendant l’époque d’Edo. En face, il y avait un magasin, un témoin de l’époque, mais c’est dommage qu’il ait été détruit…

Bonnes adresses dans le quartier de Kitamachi

KOJOATO 工場跡事務室

Un café calme et reposant installé dans le bureau et la salle d’emballage d’une ancienne usine de boisson au yaourt construite en 1925. Son nom KOJOATO signifie « site d’usine ». On y voit ici et là des équipements datant des origines. Pour mettre en valeur le patrimoine culturel de la modernisation, des expositions temporaires et des concerts sont également organisés sur ce site.


  • À deux pas de la porte Nord du pavillon Kaidan-do
  • Heures et jours d’ouverture
    11h-18h (vendredi)
    8h30-17h30 (samedi, dimanche et jours fériés)

Tachibana お食事処たちばな

Un restaurant cosy à l’ambiance nostalgique installé dans une vieille maison. Quand j’y suis allée déjeuner, tous les plats du jour avaient été épuisés. Mais on m’a préparé de bons petits plats.


  • À 100 mètres au sud du sanctuaire shinto Narazuhiko-jinja
  • Heures et jours d’ouverture
    Tous les jours sauf mardi et les premier et deuxième mercredis
    11h-15h

KITOKITO 器人器人

Un magasin de poteries artisanales qui se niche au fond d’une ruelle du quartier. Il vous propose des poteries chics pour l’usage quotidien à des prix raisonnables. La patronne est sympathique.


  • À 5 minutes à pied de l’arrêt de bus Tegai-cho
  • Heures et jours d’ouverture
    Tous les jours sauf jeudi
    11h-18h
Tanuki

Shigaraki, haut lieu de la poterie

Shigaraki, le village des statues de chien viverrin, tanuki. Niché au cœur des montagnes luxuriantes de la préfecture de Shiga, il est célèbre pour ses poteries rustiques aux teintes chaudes.

Shigaraki est l’un des six grands centres de la céramique japonaise depuis le moyen âge. L’histoire des poteries de style shigaraki remonte au milieu du VIIIème siècle lorsque l’empereur Shomu a déplacé la capitale du pays de Nara à Shigaraki. Il aurait eu besoin de fours pour produire des tuiles pour le toit de son palais. Petite anécdote, l’empereur avait à l’origine l’intention de créer le grand Bouddha à Shigaraki. Mais en raison d’une série de désastres naturels, il a quitté Shigaraki et est retourné finalement à Nara.

Shigaraki se trouve au sud du lac Biwa, le plus grand lac du Japon. (Ce lac qui était situé originellement près de Shigaraki s’est déplacé vers le nord par suite des mouvements de l’écorce terrestre.) La poterie Shigaraki est réalisée à partir de l’argile prélevée dans une ancienne couche qui s’est accumulée au fond du lac Biwa. L’argile de Shigaraki est malléable et résistante au feu. Les poteries traditionnelles Shigaraki, cuites sans glaçure à haute température, se caractérisent par leur texture rugueuse, leur couleur chaude et par leur touche artistique créées sous l’effet des réactions chimiques à l’intérieur du four. Depuis le XIIIème siècle, une grande variété d’objets est fabriquée à Shigaraki : des vases, des jarres à thé, des bols, des flacons à saké. Les bols à thé de Shigaraki reflètent le concept de wabi-sabi de la cérémonie du thé, la beauté simple et austère et sont appréciés. Mais la poterie Shigaraki a également une triste histoire. Des armes comme des grenades céramiques ont été fabriquées à Shigaraki à la fin de la Seconde Guerre mondiale. De nos jours, une large gamme de poteries y est fabriqué en utilisant différentes nuances de glaçure et des techniques traditionnelles.

Les statues de tanuki qui sont souvent placées à la porte des boutiques sont sans aucun doute la céramique la plus célèbre de Shigaraki. Le tanuki est considéré comme symbole de bonne fortune en raison de son apparence rebondie au Japon. La réputation des statues de tanuki de Shigaraki est liée à une anecdote selon laquelle elles ont accueilli l’empereur Showa en visite à Shigaraki.

Statues de tanuki
Statues de tanuki

Il y a de nombreux ateliers où vous pourrez vous essayer à fabriquer des poteries. Shigaraki est à environ une heure et demie en train de Kyoto. Il est recommandé pour une excursion.