La région de Kumano est nichée dans un écrin de verdure luxuriante au sud de la péninsule montagneuse de Kii. Ce nom de lieu signifie un endroit isolé où les âmes des morts se rassemblent. Kumano riche en nature est profondément associée au culte de la nature selon lequel tous les éléments naturels tels que les montagnes, les rivières, les rochers et les forêts sont censés abrités les divinités. Le shintoïsme, une religion traditionnelle japonaise se base essentiellement sur le culte de la nature. Depuis plus de mille ans, des Japonais provenant de toutes les classes sociales ont effectué des pèlerinages vers Kumano. Pourquoi cette terre empreinte de mystère attire-t-elle autant de pèlerins ? Qu’est-ce qui différencie Kumano des autres sites sacrés du pays ?
Le Kumano Sanzan
Le Kumano Sanzan, le centre sacré de la région de Kumano est constitué de trois grands sanctuaires : Kumano Hongu Taisha, Kumano Hayatama Taisha et Kumano Nachi Taisha. Depuis l’antiquité, Kumano est associée au culte de la nature qui est un élément essentiel du shintoïsme. Originellement ces trois grands sanctuaires étaient dévoués à différentes formes de culte de la nature : rivière, rocher et cascade. Mais ils ont fini par fusionner à travers le culte des ancêtres qui est un autre élément essentiel du shintoïsme. Chaque divinité shintoïste, kami est vénérée réciproquement.
Le grand sanctuaire Kumano Hongu Taisha
Au sommet d’un long escalier en pierre ombragé de cèdres se trouve le grand sanctuaire Kumano Hongu Taisha considéré par des pèlerins d’autrefois comme la première destination. Ayant plus de 2 050 ans d’histoire, il était situé à l’origine sur le banc de sable Oyunohara où les trois rivières Kumano, Otonashi et Iwata se rejoignent. Quelques bâtiments qui ont survécu à une crue ont été déplacés au site actuel à la fin du XIXème siècle. À Oyunohara, un grand torii se dresse.
Le grand sanctuaire Kumano Hayatama Taisha
Le grand sanctuaire Kumano Hayatama Taisha qui a environ 1 900 ans d’histoire se trouve à l’embouchure de la rivière Kumano. Dans son enceinte, il y a l’arbre sacré nagi âgé de 1 000 ans. Il est dit que les pèlerins ont ramené des feuilles de cet arbre comme talisman. N’oubliez pas de visiter le sanctuaire secondaire Kamikura-jinja situé à 15 minutes à pied au sud. Le rocher sacré gotobiki-iwa sur lequel seraient descendus les kamis de Kumano se trouve au sommet d’un escalier raide dans son enceinte.
Le grand sanctuaire Kumano Nachi Taisha
Le grand sanctuaire Kumano Nachi Taisha est situé à mi-chemin du sommet du mont Nachi. La cascade Nachi-no-Taki haute de 133 mètres qui se trouve près du sanctuaire est l’objet du culte depuis les temps anciens. Vous serez impressionné par sa beauté. À côté du sanctuaire, se dresse le temple bouddhiste Seiganto-ji et sa pagode de trois étages. Pourquoi y a-t-il des bâtiments bouddhistes au site lié aux kamis, divinités shintoïstes ?
La foi Kumano
La plupart des Japonais se disent appartenir à la fois au shintoïsme et au bouddhisme. Ce concept de religion chez les Japonais qui diffère de celui des Occidentaux est né de la fusion shinto-bouddhique. Surtout à Kumano, à travers le shugendo lié à la fois au shintoïsme et au bouddhisme, une sorte de syncrétisme religieux a été établie plus tôt que dans d’autres parties du pays. Le grand sanctuaire Kumano Nachi Taisha et le temple bouddhiste Seiganto-ji voisin témoignent de l’histoire de cette harmonie religieuse.
Au cours des IXème et Xème siècles, une nouvelle théorie qui définit la relation entre les divinités bouddhistes et les divinités shintoïstes dans une perspective bouddhique a émergé avec la progression du syncrétisme. Le Japon est éloigné de l’Inde, le berceau du bouddhisme. D’après cette théorie, des divinités bouddhistes indiennes ont choisi d’apparaître au Japon comme des kamis natifs afin de sauver les peuples plus facilement ; ainsi les kamis ont été considérés comme des manifestations des divinités bouddhistes, gongen. À Kumano, le kami principal du grand sanctuaire Hongu Taisha, Susanoo est associé au Bouddha Amida. Celui du grand sanctuaire Hayatama Taisha, Izanagi au Bouddha Yakushi et celui du grand sanctuaire Nachi Taisha, Izanami au Bodhisattva Kannon. On désigne les kamis vénérés au Kumano Sanzan sous le nom générique de Kumano Gongen. Les Japonais sont habiles à intégrer et assimiler la culture étrangère au sein de leur propre culture. Cela vaut également pour la religion.
Au cours des XIème et XIIIème siècles, la famille impériale, en particulier les empereurs émérites et les aristocrates ont effectué près de 100 pèlerinages vers Kumano. Quelle est l’origine de ce « boom du pèlerinage de Kumano » ?
À cette époque, avec l’expansion de la croyance mappo qui prévoit le déclin du bouddhisme et la dégradation de la société, on a cherché sa tranquillité de l’esprit dans la Terre pure bouddhiste appelée jodo en quittant ce monde. La région de Kumano est considérée comme demeure des kamis. Il est aussi associé à l’au-delà. Dans ce contexte religieux, la foi reliant Kumano à la Terre pure shintoïste et bouddhiste s’est répandue au sein de la population. La foi Kumano était ouverte à tous, sans distinction de classe ou de sexe. C’est la raison pour laquelle les pèlerins de toutes les classes sociales ont parcouru des sentiers ardus pour atteindre le Kumano Sanzan. Faire des pèlerinages à Kumano, c’est purifier l’esprit et renaître dans la Terre pure.
Le Kumano Kodo
Le Kumano Kodo est un réseau d’anciennes routes de pèlerinage qui serpentent à travers la péninsule montagneuse de Kii. Ces routes sacrées sont utilisées depuis plus de 1 000 ans pour le pèlerinage au Kumano Sanzan ou les trois grands sanctuaires de Kumano. Elles sont à cheval sur les préfectures d’Osaka, de Nara, de Wakayama et de Mie. Certaines ont disparu avec le temps, mais il reste encore six : Nakahechi (route principale vers Kumano), Ohechi (route côtière sud de la péninsule de Kii vers Kumano), Kohechi (route des montagnes reliant le mont Koya à Kumano), Iseji (route de l’est reliant le sanctuaire Ise-Jingu à Kumano), Kiiji (route côtière ouest de la péninsule de Kii vers Kumano) et Omine-Okugake (route reliant Yoshino-Omine à Kumano réservée aux pratiques ascétiques du shugendo). Comme tous les chemins mènent à Rome, ces six routes convergent vers Kumano.
La route Nakahechi
Le Kumano Kodo est également connu comme réseau de chemins de randonnée. Vous pourrez y vivre des moments de contemplation et découvrir la spiritualité japonaise en profitant du merveilleux paysage. Il y a plusieurs itinéraires de randonnée le long du Kumano Kodo et chacun a ses charmes. Des six routes, celle de Nakahechi qui traverse la péninsule montagneuse de Kii d’est en ouest est la plus populaire. Elle débute à Tanabe, sur la côte ouest de la péninsule de Kii et franchit les montagnes à l’est vers le premier lieu saint, le Kumano Hongu Taisha. Elle a été empruntée par la famille impériale et les aristocrates en pèlerinage en provenance de Kyoto, l’ancienne capitale du Japon. Depuis le Kumano Hongu Taisha, la plupart des pèlerins allaient en bateau sur la rivière Kumano au 2ème lieu saint, le Kumano Hayatama Taisha, et enfin visitaient le 3ème lieu saint, le Kumano Nachi Taisha et le temple Seiganto-ji qui le jouxte.
La route Nakahechi est parsemée de sanctuaires secondaires du Kumano Sanzan appelés oji. Ils ont été créés au cours des XIIème et XIIIème siècles par les ascètes montagnards qui servaient de guides de pèlerinages impériaux vers Kumano. À chaque sanctuaire oji, on a prié pour la protection des pèlerins en effectuant des rites de purification.
L’itinéraire de randonnée sur la route Nakahechi débute au sanctuaire Takijiri-oji considéré comme une des entrées de Kumano. De là, un parcours d’environ 40 kilomètres mène au Kumano Hongu Taisha. Voici quelques paysages symboliques dans une section de la route Nakahechi, de l’arrêt de bus Gyubadoji-guchi à Tsugizakura-oji (6,5 kilomètres).
La statue de Gyubadoji, un des serviteurs de la divinité bouddhiste Benzaiten se dresse tranquillement dans la forêt à une ambiance mystique. Elle est assise à la fois sur une vache et un cheval. Selon une légende locale, elle représente l’empereur émérite Kazan qui s’est rendu à Kumano après avoir été forcé d’abdiquer à l’âge de 19 ans.
Le village de Chikatsuyu est à mi-chemin entre Tanabe et le Kumano Hongu Taisha. Il y a des auberges qui offrent un accueil familial aux randonneurs. Le musée d’art Nakahechi du Kumano Kodo a été conçu par SANAA, une agence d’architecture fondée par les deux architectes japonais. Il expose les œuvres des peintres Nonagase Banka et Watase Ryoun liés au village de Chikatsuyu.
Le sanctuaire Tsugizakura-oji se trouve à une heure et demie à pied du village de Chikatsuyu. Il y a des cèdres géants âgés de huit cents ans dans son enceinte. Toutes les branches poussent vers le sud, la direction où se trouve le Kumano Nachi Taisha.
La source Nonaka-no-Shimizu qui se trouve en bas du sanctuaire Tsugizakura-oji. C’est l’une des 100 meilleures sources d’eau naturelle du Japon. Depuis les temps anciens, elle sert de station d’eau pour les pèlerins.
- Autrefois, la plupart des pèlerins en provenance de Kyoto visitaient d’abord le grand sanctuaire Kumano Hongu Taisha, ensuite le grand sanctuaire Kumano Hayatama Taisha et enfin le grand sanctuaire Kumano Nachi Taisha. Mais aujourd’hui, commencer par quel sanctuaire, cela dépend de visiteurs. Kumano est facilement accessible depuis Kyoto et Osaka grâce à un réseau de transport bien développé. Les principales gares y sont Kii-Tanabe, Kii-Katsuura et Shingu sur la ligne principale JR Kisei.
- Pour accéder au grand sanctuaire Kumano Hongu Taisha, prenez le bus qui part de la gare JR de Kii-Tanabe (2 heures de trajet). En combinant le trajet en bus, vous pouvez faire de la randonnée dans quelques tronçons de la route Nakahechi.
- Le grand sanctuaire Kumano Hayatama Taisha se trouve à 15 minutes à pied de la gare JR de Shingu.
- Pour accéder au grand sanctuaire Kumano Nachi Taisha, prenez le bus qui part de la gare JR de Kii-Katsuura. Vous arriverez à l’arrêt de bus Nachi-no-Taki-mae en 30 minutes. Le sanctuaire est à environ 15 minutes à pied. Le bus s’arrête également au début du sentier de Daimon-zaka qui fait partie de la route Nakahechi. En profitant de l’ambiance séculaire des sentiers, vous pouvez accéder au sanctuaire (2,5 kilomètres).
- Carte
La route Omine-Okugake
Des six routes de Kumano Kodo, la route Omine-Okugake est la plus ardue. Elle relie la région de Yoshino-Omine considérée comme le berceau du shugendo à Kumano. Selon une légende, elle aurait été ouverte par En-no-Gyoja, fondateur du shugendo au début du VIIIème siècle. Cette route pour la pratique ascétique s’étend sur environ 80 kilomètres le long des crêtes de la chaîne de montagnes Omine à plus de 1 000 mètres d’altitude. Depuis les temps anciens, les ascètes connus sous le nom de shugenja ont suit un dur entraînement pour développer le pouvoir spirituel en parcourant cette route escarpée.
Depuis l’antiquité, les montagnes ont été considérées au Japon comme lieu sacré où résident les divinités shintoïstes, kamis. Les Japonais profitaient de riches bienfaits apportés par les montagnes qui occupent 70 % du territoire. Aujourd’hui, l’alpinisme est pratiqué comme sport par des gens de différentes générations au Japon, toujours est-il que les montagnes sont l’objet du culte dans les esprits japonais, pas celui de la conquête. Le culte de la montagne sur lequel le shugendo se base essentiellement vient du sentiment de vénération mêlée de peur envers les montagnes.
La chaîne de montagnes Omine autrement appelée « Alpes Yamato » s’étend de la partie nord à la partie centrale des monts Kii. Ayant été ouverte à l’origine pour la pratique ascétique, la route Omine-Okugake est réservée aux randonneurs expérimentés.
Les femmes ne peuvent pas pénétrer dans l’enceinte sacrée du mont Sanjogatake, dit le mont Omine où s’entraînent les ascètes. Seuls les hommes peuvent donc parcourir la totalité de la route.
Le parcours complet prend environ une semaine mais on peut se contenter de quelques tronçons. En suivant le chemin ardu le long des crêtes, on peut admirer de belles vues sur la chaîne de montagnes Omine. Ici, la pluie abondante nourrit la végétation luxuriante.
Le shugendo est né de la fusion du culte de la montagne, du bouddhisme ésotérique et d’autres croyances. C’est pourquoi plusieurs montagnes qui constituent la chaîne des Omine portent les noms associés au bouddhisme tels que Fugen, Misen, Çakya, etc.
Sur la route, il reste 75 lieux de culte appelés nabiki où les ascètes effectuaient leurs rites. Chaque nabiki est numéroté. Aujourd’hui encore, les shugenja y font leurs prières et laissent, en témoignage de leurs ascèses, des plaquettes en bois où sont écrits leurs noms, la date de prière, etc.